juste une note sur les mâles alpha si vous n’êtes pas écoeurés d’en entendre parler.
je n’ai jamais prêté attention à andrew tate, en dépit de ce que son nom circule dans le discours public. j’en savais assez de même sans me l’imposer, j’entendais même que son influence grandissait dans les écoles par le biais d’applications de jeunes – nope, pas de snapchat ou de tiktok par ici – mais pour ainsi dire je n’avais jamais vu la gars, fuck him, la vie est courte et je n’ai pas le temps pour ces niaiseries.
puis il a poursuivi le youtubeur coffeezilla, qui s’intéresse aux fraudeurs dans l’espace virtuel, et dans sa réponse, le même coffeezilla fait jouer un extrait de tate et … oh my fucking god ! c’est ça l’ultime mâle alpha !?! je suis parti à rire. quel crisse de clown ! impossible que des jeunes soient sous son « influence », c’est d’un ridicule de niveau bob l’éponge, pas étonnant que greta thunberg l’ait humilié si facilement.
quel pauvre type !
mais j’ai relevé quelque chose d’autre dans cet extrait, qui me semble être assez peu discuté.
il aime se présenter comme riche, quelqu’un qui réussit dans la vie, d’où ses multiples démonstrations de bling bling – cigares, chars, grosses montres – et son fonds de commerce, c’est de vendre des cours à son son audience pour devenir comme lui, et vous pouvez être sûrs que c’est par abonnement, parce que la base de tous les modèles d’affaires aujourd’hui, c’est de partir avec ton numéro de carte de crédit pis que t’aies la flemme de te désabonner parce que tu sais que tu vas te faire chier.
49$ par mois pour son hustler university. fuck !
et donc tate est ce qu’on appelle sur internet un contrepreneur, un mot-valise qui combine con-artist – qui se traduit littéralement par escroc – et entrepreneur. le youtubeur dan olson donne comme exemple les jumeaux mikkelsen qui ont trouvé comment abuser de la plateforme audible d’amazon en l’inondant de titres vite expédiés – et encore, c’était avant chatgpt – et maintenant vendent des cours pour montrer aux autres comment faire pareil.
le problème, c’est qu’amazon a repéré et patché la faille, et que conséquemment les poissons qui vont acheter le cours des mikkelsen ne seront pas capables de reproduire l’expérience ; mais voilà, les jumeaux ne sont plus dans le business d’abus de plateforme, mais dans celui de la vente de conseil. leur principale activité, c’est de vendre des cours, et tant pis pour celleux qui l’achètent si ça ne fonctionne pas, le paiement est passé.
tate, c’est pareil.
je ne veux pas diminuer l’atrocité et la dangerosité de son discours misogyne, qui à lui seul donne sa pleine validité au concept de masculinité toxique, ni à la résonance de son discours chez quelques têtes faibles ou influençables – excusez les ados, ils sont de même, il urge de leur donner quelque chose de mieux – mais le succès de son entreprise ne doit pas à ses valeurs conservatrices ou juste pleinement stupides.
parce qu’avant d’être des misogynes finis, ces crétins de mâles alpha sont d’abord des influenceurs, et se servent de leur discours paradoxal – littéralement, hors de la doxa, de ce qui est communément admis – parce qu’il est choquant et donc attirant, fonctionnant ainsi sur le même principe de l’extrême-droite, pour appâter une audience dans leur giron et après la traire, en anglais ils disent milking, essentiellement lui vendre n’importe quoi, ce qui revient en pratique à la fourrer pour prendre son cash.
en ce sens, c’est une économie pyramidale, dans la mesure où tate vend sa shit à ses suiveux qui tentent de faire pareil, mais pour avoir entendu les chiffres d’audience finalement assez minables de julien bournival, il ne rentre même pas dans la catégorie d’influenceur et on apprend qu’il est au bord de la faillite, mais l’attention est addictive et ça lui suffit pour l’instant, et effectivement je me range à l’avis unanime selon lequel il n’avait pas d’affaires sur le plateau de tout le monde en parle,
mais ce n’est pas mon argument principal
mon argument principal est que tate et ses épigones pognent parce que notre système, le libéralisme économique, est en totale faillite, au minimum idéologique, au sens où plus personne ne croit qu’il sera capable de faire son chemin dans cette société. le loyer et l’épicerie bouffent la totalité de la paye, l’inflation règne, le prix des maisons n’a plus de rapport avec les salaires, et quelque effort qu’on mette à la nier, la crise climatique est dans toutes les têtes et donne la solide impression, spécialement à la jeunesse, qu’elle n’a pas d’avenir et qu’elle doit sauver son cul maintenant
et donc à défaut d’alternatives, ces jeunes ont décidé de foncer dans la domination pour s’en sortir, d’où la popularité des get rich quick schemes, d’où l’omniprésence du bling bling dans la culture numérique, parce que la classe dominante, après avoir éradiqué du discours toute possibilité d’émancipation par la gauche, s’est maintenant fait doubler par sa droite, et maintenant elle tente de nous sauver de l’ogre fasciste après avoir barré toutes les portes
et la seule bonne take que j’ai vu sur le sujet, c’est que les solutions imaginables pour régler les problèmes d’angoisse et de solitude masculines tiennent toutes à de vigoureuses politiques de gauche, comme la socialisation de l’essentiel de la chaîne alimentaire et du parc locatif, de véritables transports collectifs qui libèrent de la prison automobile, une redistribution des richesses qui passerait carrément par l’interdiction des milliardaires – saisissez leurs avoirs, bon sang – et la fin du pétrocapitalisme
mais voilà, je suis tout à fait conscient que ce discours est communiste, comme l’a apparemment lancé bournival à dupuis-déri sur le plateau de tlmep – dupuis-déri est notoirement anarchiste, il n’a pas dû apprécier l’insulte – et comme nous avons collectivement décidé que c’était mal, je vous laisse réfléchir à ce que nous aura donné le libéralisme éclairé de la presse et de la politique bourgeoises, devant lequel la bonne société n’en finit plus de se demander comment nous en sommes arrivés là
trump, musk, tate
et je suggérerais humblement que le problème est politique
et qu’il faut le régler.